La Suva a publié une nouvelle fiche d'information sur l'assainissement des matériaux contenant des HAP. Cette fiche décrit les mesures à prendre pour protéger la santé des travailleurs et travailleuses. Mais elle laisse aussi quelques questions importantes en suspens. De quoi s'agit-il ?
Serpentinite contenant de l'amiante : Procédé lors d'un diagnostic amiante
Simon Schneebeli; mars 04, 2019
Grâce à sa structure caractéristique et à ses couleurs nobles (du vert brillant au vert foncé, presque noir, mais aussi aux teintes rougeâtres, selon la variété), la serpentinite a été utilisée pour fabriquer des plans de travail de cuisine, des pierres tombales ou des monuments, mais également en plus grande quantité comme revêtements de sols, de murs et de façades de bâtiments de prestige, tels que par exemple le tribunal cantonal vaudois à Lausanne ou certaines églises.
En 2017, la Suva a publié une brochure spécifiant les mesures à prendre en cas de travaux sur la serpentinite contenant de l'amiante. Mais jusqu'à présent, il n'a pas été spécifié, si dans le cadre de diagnostics amiante, il faut identifier la présence de pierres ornementales amiantés ou pas, et beaucoup de spécialistes ne se rendent pas compte de la problématique.
Dr. Stefan Scherer de la Suva précise cependant : La serpentinite devrait "évidemment" être identifiée et répertoriée dans le cadre d'un diagnostic.
Mais comment procéder ? Pour des non-spécialistes du domaine, il est difficile de reconnaître avec certitude une serpentinite. Philipp Rück, membre de l'Association Suisse des Pierres Naturelles NVS, géologue et spécialiste des pierres naturelles dit que dans un premier temps quelques photos d'un objet (vue d'ensemble et détail) peuvent être envoyées à un spécialiste des pierres naturelles (p.ex. à l'Association Suisse des Pierres Naturelles, serpentinit@nvs.ch). Ceci devrait déjà permettre de déterminer si d'autres recherches et analyses sont nécessaires et utiles, respectivement si, en cas de travaux de rénovation, des roches de remplacement sans amiante sont disponibles.
S'il s'agit de petits travaux tels que perçage de quelques trous ou le remplacement d'une plaque individuelle, il est inutile d'aller plus loin si les travaux sont effectués selon les indications du feuillet 84072 de la Suva. La santé est ainsi protégée. Même si le matériau ne devrait pas contenir d'amiante, il est de toute façon conseillé d'utiliser une aspiration à la source et un masque de protection respiratoire lors de travaux de perçage pour se protéger des poussières fines de roche qui peuvent engendrer des maladies respiratoires comme la silicose.
C'est seulement dans le cas de grands projets de transformation, rénovation ou démolition qu'une analyse en laboratoire, par rapport à l'amiante, est à recommander.
Selon Philipp Rück, on arrive facilement à dire s'il y a présence d'amiante lorsque sa concentration est élevée. Par contre, si la concentration d'amiante est faible, les choses se compliquent. Selon Dr. Ivan Surace, géologue/minéralogiste dans le laboratoire Geopro SA, qui a une expérience de plus de 15 ans dans ce domaine et qui a même publié un article scientifique sur l'analyse de roches, celles-ci sont différentes des produits amiantés classiques et on ne peut pas les traiter de la même façon :
- faibles concentrations (souvent de l'ordre des p.p.m.) et hétérogénéité de l'amiante, si présent.
- difficultés à séparer les fibres du reste de la roche vu la dureté et le degré d'agglomération très élevé.
- présence et coexistence dans la même roche de fibres minérales d'amiante et fibres non-amiantées (par ex. les serpentinites sont constituées principalement d'antigorite qui peut se présenter sous la forme de fibres tout à fait similaires à l'amiante mais que ne le sont pas). Dans ce cas, si l'analyse n'est pas menée correctement avec les bons outils et la bonne expérience, on arrive très facilement à de faux résultats, notamment en détectant l'amiante là ou il n'y en a pas ou le contraire.
- présence de minéraux d'amiante, notamment du groupe des amphiboles (trémolite, anthophyllite etc.) qui n'ont pas les caractères morphologiques de l'amiante mais qui peuvent libérer de fibres d'amiante respirables si affectées par des actions mécaniques.
Pour une analyse, il ne suffit alors pas de gratter localement une plaque et d'envoyer quelques grammes de matière au laboratoire. Il faut un échantillonnage représentatif de la roche qui, dans certains cas, comme ceux des ophicalcites, peut demander une observation de surfaces de plusieurs décimètres carrés de roche. Ou alors on demande directement à un géologue/minéralogiste expert de se rendre sur place pour effectuer l'échantillonnage.
A cause de cette complexité et de l'absence de critères internationaux, il est donc tout à fait possible que des pierres ornementales, qui dans certains pays sont considérées comme "garanties sans amiante", ne le soient pas vraiment dans d'autres pays. Une analyse dans un laboratoire qui a de l'expérience en analyse de pierres naturelles est donc incontournable.
La démarche est encore plus flou en cas de plaques "artificielles", tel que les plaques du type Terrazzo ou granito, qui peuvent tout à fait inclure des pièces de serpentinite.