Diagnostic amiante: Combien d’échantillons prenez-vous?

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Simon Schneebeli; février 16, 2017

Le prix, mais aussi la qualité d’un diagnostic amiante dépend largement du nombre d’échantillons pris. Plusieurs organisations ont tenté de donner des indications à ce sujet. Si l’on compare ces données, on constate cependant que les recommandations divergent parfois beaucoup. Ceci indique que les experts sont loin d’être d’accord entre eux. Mais comment arriver à une meilleure approche?


L’année passée j’ai été impliqué dans un projet où il fallait expertiser plusieurs bâtiments avec une surface totale de plus de 200’000 m2. Le client avait préalablement estimé que plusieurs centaines d’échantillons étaient nécessaires. Il s’est avéré, finalement, que bien plus de 1000 analyses étaient nécessaires. A juste titre, le mandant a posé la question de la pertinence de ce grand nombre. La comparaison que nous avons ensuite effectuée a montré que les différents standards et recommandations à ce sujet au niveau international divergeaient énormément.

Le tableau ci-dessous contient une comparaison des indications de différentes normes pour différents matériaux :

 

 

VABS

STIPI

EPA

AFNOR

HSG264

VDI

Revêtement de sol

1 local, 10 m2

1

3

3

1

2

-

10 locaux à 10 m2, même revêtement

8

3

5

1

-

-

Colle de carrelage

1 local, 10 m2

1

1

2

1

2

2

100 locaux à 10 m2 , même carrelage

8

3

-

-

-

6

Calorifugeage

20 m

1

-

-

1

7

-

200 m (même type et diamètre)

-

-

-

1

67

-

Faux plafonds acoustiques

1 local à 25m2 avec 100 plaques

25

1

3

1

-

-

10 locaux à 25m2 avec 100 plaques chacun

30

7

-

1

-

-


Suisse: ASCA

L’Association Suisse des Consultants Amiante ASCA a élaboré un modèle statistique : On part de “l’unité homogène”. Dans le cas de plaques de faux plafonds acoustiques par exemple, chaque plaque est considérée comme une unité homogène. Le but est de prendre le nombre d’échantillons pour arriver à une certitude de 75 % de trouver l’amiante même si seulement 5 % des plaques en contiennent.

Cette méthode a l’avantage de ne pas prendre uniquement des chiffres basés sur l’avis du diagnostiqueur. Mais qu’est-ce qu’une unité homogène ?Et qu’en est-il de cette hypothèse des 5 % des plaques contenant de l’amiante ? Le diagnostiqueur garde donc une grande autonomie, mais, de façon générale, cette méthode conduit à un nombre très élevé d’échantillons.

Genève: STIPI

Le cahier des charges pour les diagnostics amiante de l’ASCA se base lui-même sur un document des autorités genevoise (anciennement STIPI, aujourd’hui SABRA). Ce document n’est plus en vigueur mais il est cité ici, parce qu'il semble plutôt bien représenter la pratique en Suisse Alémanique (dans la partie francophone de la Suisse, on s'oriente plus aux exigences de l'ASCA).

USA: EPA

Aux USA, c’est l’agence de la protection de l’environnement EPA qui a publié en 1985 une directive concernant les diagnostics amiante (EPA 585 / 5-85 030 a, aussi appelé “pink book”). Ce document ne concerne a priori que les matériaux faiblement agglomérés et exige que l’on prenne au minimum 9 échantillons, sauf pour de petits locaux :

  • 3 échantillons pour des surfaces en dessous de 1000 ft2 (92m2)
  • 5 échantillons pour des surfaces entre 1000 ft2 (92m2) et 5000 ft2 (464m2)
  • 7 échantillons pour des surfaces en dessus de 5000 ft2 (464m2)

Pour des matériaux fortement agglomérés, le document parle de “samples” (échantillons) au pluriel. C’est pourquoi l’on admet qu’il faut toujours prendre au moins 2 échantillons.

France: Afnor

En France, la démarche est décrite dans la norme AFNOR NF X 46-020. Cette norme indique (art. 4.4.6) que "L’opérateur de repérage définit sous sa seule responsabilité, parmi les matériaux ou produits repérés, ceux qui doivent donner lieu à un ou plusieurs prélèvements ; ce nombre de prélèvements est représentatif des surfaces considérées et doit, sauf motifs dûment justifiés, être conforme aux prescriptions de l'Annexe A. Cet annexe donne des indications pour l’échantillonnage de toute une série de matériaux pouvant contenir de l’amiante.

Pour les colles de carrelages comme pour les plaques de faux plafonds acoustiques, la norme dit qu’il faut faire "1 sondage sur chaque type de produit". Ceci peut mener à l’interprétation que même s’il y a 10 salles de bain avec le même faux-plafond il ne faut qu’un seul échantillon.

England: HSG 264

La norme anglaise HSG 264 donne des indications explicites pour un petit nombre de matériaux. A priori on dit également dans ce document qu’il faut prendre 1 échantillon par unité homogène, mais par exemple, pour les calorifugeages la norme demande explicitement un échantillon tous les 3 à 6m linéaires.

Allemagne : VDI

En Allemagne, il n’y a actuellement pas de norme qui donne des indications sur le nombre d’échantillons à prélever. Un groupe de travail de l’Association Allemande d’Ingénieurs VDI a publié en été 2016 un article qui se veut une base de discussion à ce sujet. Des indications sur d’autres matériaux seront données dans une nouvelle norme qui sera publiée ultérieurement.

Interprétation

Les divergences par rapport au nombre d’échantillons à prélever montre surtout une chose : nous sommes loin d’avoir un consensus entre spécialistes.

A partir de ce constat, il y a deux possibilités de procéder : Soit on donne des indications aussi précises que possible, mais on court le risque d’avoir des indications tellement complexes que dans la pratique ceci devient inutilisable. Ou alors on laisse à chaque diagnostiqueur-se la liberté de décider lui-même/elle-même de combien d’échantillons il/elle doit prendre.

En tant que formateur de diagnostiqueurs, je ne peux moi-même pas dire à mes élèves : “A vous de voir combien d’échantillons vous devez prendre”. Nous devons leur donner plus de détails.

Mais quels facteurs faut-il prendre en compte pour déterminer le nombre d’échantillons ?

Critères pour déterminer le nombre d’échantillons

Approche basée sur une analyse des risques : Le premier point qu’il faut clarifier est : Quelle est la fiabilité que je veut atteindre, respectivement quelle exposition accidentelle à de l’amiante (des travailleurs ou des habitants d’un immeuble) peut être considérée comme acceptable ? Est-ce que je vise vraiment un risque zéro, ou est-ce que je me contente d’une réduction spécifique de cette exposition ? Est-ce que par exemple une réduction de l’exposition de 99.9 % par rapport au niveau des années septante est suffisante ?

Homogénéité : Les différentes normes sont d’accord sur ce point : le nombre d’échantillons doit dépendre de l’homogénéité d’un matériau. Plus il est hétérogène, plus il faut d’échantillons.

Fiabilité des laboratoires : Les recommandations de l’EPA de prendre au moins 2 échantillons se basent probablement sur l’hypothèse qu’il y a des erreurs de laboratoire. En effet, ce ne sont que des humains qui font les analyses. Il serait donc faux d’attendre une fiabilité de 100 %. Mais est-ce vraiment nécessaire aujourd’hui de toujours faire minimum 2 échantillons ou est-ce que la fiabilité des laboratoires s'est amélioré depuis la publication de cette directive en 1985, ce qui permet de faire moins de prélèvements ?

Teneur en amiante : Ce point est lié à la fiabilité du laboratoire : Pour un matériau avec une teneur très élevée en amiante, l’analyse en laboratoire est simple. Donc on pourrait dire qu’il faudrait moins d’échantillon d'un flocage que pour un matériau comme les mastics de fenêtres qui ne contiennent parfois que quelques pour mille d'amiante.

Potentiel de libération des fibres : Le risque de libération de fibres est beaucoup plus petit dans le cas p.ex. d’un matériau bitumineux qu’un matériau plâtré. Du coup, une erreur n’a pas les mêmes conséquences.

Autres : Mon but ici n’est pas d’être exhaustif, mais plutôt d’amorcer une discussion. Dans ce sens, tout complément de réflexion est le bienvenu.

Approche statistique

A travers toutes ces réflexions, il devient clair qu’une approche simple n’existe pas pour tous les matériaux. Si nous voulons donner des recommandations par rapport à la stratégie d’échantillonnage, nous devons choisir une approche qui les différencie (tout en essayant d’arriver à quelque chose d’utilisable dans la pratique). Pour ceci, il faut récolter des données et l’expérience de spécialistes, notamment sur le potentiel de libération de fibres.

Cette approche basée sur l’expérience et les données peut être combinée avec une approche basée sur une analyse de risque : Qu’est-ce que nous considérons comme un risque acceptable ? Ou visons nous le risque zéro ? Et comment pouvons nous atteindre cet objectif ?

Voici un exemple : L’ASCA dit qu’il faut viser une fiabilité de 75 % même s’il n’y a que 5 % des unités homogènes qui contiennent de l’amiante. Si nous considérons un objet unique, p.ex. un appartement qui sera rénové, cette valeur paraît très basse. Le tableau ci-dessous donne cependant une estimation de la probabilité d'erreurs sur un grand nombre d'immeubles/locaux comparables. 

Exemple: 100 plaques de faux plafonds du même type (visuellement) dans 100 bâtiments différents.

(Les chiffres se basent sur des informations reçues informellement par différents laboratoires. L'ordre de grandeur devrait donc être correcte, même si les chiffres peuvent tout à fait être mis en question).

 

 

Nombre d’échantillons

Fiabilité

Dans 1 % des bâtiments toutes les 100 plaques contiennent de l’amiante.

5 échantillons

Si toutes les plaques sont amiantés, même un seul prélèvement permet en principe d'arriver à une fiabilité de 100%.

Dans 5 % des bâtiments, une partie des plaques contiennent de l’amiante. Admettons pour être sûr que seulement 10 % des plaques en contiennent et 90 % n’en contiennent pas.

5 échantillons

41% (calcul selon schéma ASCA)

Dans 94% des bâtiments, aucune des plaques ne contiennent de l’amiante.

5 échantillons

100%

Fiabilité moyenne

 

97%

Et maintenant?

Le but de cet article était en premier lieu de montrer que nous sommes loin d’un consensus sur la stratégie d’échantillonnage. Et si nous souhaitons devenir plus concrets, nous devons prendre en considération toute une série de facteurs, y compris des éléments comme l’hétérogénéité d’un matériau, la fiabilité du laboratoire, et lorsque nous poursuivons une approche basée sur une analyse de risques, même le potentiel de libération des fibres. Une réponse à la question de comment intégrer tout ces éléments ne peut cependant pas être donnée. J'espère que cet article puisse contribuer à  un débat autour de ce sujet.

Pour revenir à l’exemple présenté en introduction : Il a finalement été décidé de suivre strictement les recommandations de l’ASCA, ce qui a impliqué qu’il fasse faire bien plus de 1000 échantillons. Mais, à travers ce nombre élevé d’échantillons, il est devenu possible d’exclure la présence d’amiante dans certaines parties des bâtiments qui dans un premier temps (avec moins d’échantillons) ont été considérées comme amiantées. Un nombre élevé d’échantillons peut donc conduire à une baisse des coûts de l’assainissement.


 


 

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